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1 – Les bandes annonces

La bande-annonce d’un film est composée d’un montage d’extraits brefs destiné à donner au spectateur une «idée» de l’objet qu’on lui présente. Et de susciter par là même son désir de le voir. Son enjeu est donc publicitaire. La bande-annonce reprend souvent des instants significatifs de l’intrigue, esquisse le caractère des personnages principaux, suggère les conflits, évoque un climat, joue sur les émotions, ou pique la curiosité en créant le mystère. L’esprit du spectateur doit être littéralement impressionné. Il y a 70 ans d’écart entre le film original de Marcel Pagnol et sa relecture réalisée par Daniel Auteuil, et une éternité sépare la stratégie esthético-commerciale mise en place par les concepteurs des bandes-annonces des films respectifs.

Comparer les deux bandes-annonces pourra s’avérer un exercice utile en terme de lecture de l’image, amusant également sur le plan des différences, à tous égards instructifs.

Ce qui frappe d’emblée, c’est que la bande-annonce du film de Daniel Auteuil raconte beaucoup plus en moins de temps pour le dire. D’une durée de 1 minute 45 (soit 45 secondes de moins que celle de Marcel Pagnol, une différence considérable pour un montage aussi court), celle-ci enchaîne les images courtes (2 à 3 secondes maximum) pour raconter l’essentiel de l’histoire tout en rendant compte de l’atmosphère mélodramatique de l’œuvre (importance des voix et de l’émotion liée à la musique d’Alexandre Desplat).

D’une durée de 2 minutes 30, la bande-annonce de LA FILLE DU PUISATIER de Marcel Pagnol s’appuie sur deux parties distinctes. La première est composée d’une petite structure narrative résumant l’intrigue du film ; la seconde est faite d’une suite d’images montrant à deux reprises les acteurs-vedettes (sorte de portraits de Fernandel, Raimu, Josette Day, Charpin…) avec leur nom affiché à l’écran ainsi que de quelques moments comiques (la voiture cahotante de Félipe) et émotionnels (Amoretti tenant le couffin de l’enfant de Patricia).

Contrairement à Marcel Pagnol, Daniel Auteuil ne suggère pas à la fin de sa bande-annonce que l’histoire se termine bien. Sans doute cherche-t-il à creuser la veine mélodramatique, à insister sur l’intensité du récit, à créer un suspense s’interdisant de révéler l’issue du drame (comptant de fait sur l’amnésie du spectateur qui connaîtrait la version de Marcel Pagnol). Contrairement au cinéaste académicien, il élimine aussi tout ce qui peut apparaître comique. L’aspect folklorique ainsi gommé, l’impression générale qui se dégage de la bande-annonce apparaît au bout du compte plus sombrement romanesque.

Ressources :

Bande annonce Pagnol

Bande annonce Auteuil

 

2 – L'histoire des filles du puisatier



Les deux séquences reposent sur une mise en scène similaire, minimale, d’une durée quasi identique. Les deux acteurs incarnant respectivement Amoretti et Félipe sont simplement assis côte à côte (chez Marcel Pagnol) ou face à face (chez Daniel Auteuil) et devisent calmement au sujet de Patricia. Le plan-taille (Marcel Pagnol) ou poitrine (Daniel Auteuil) est évidemment rapproché. Le spectateur, ainsi placé dans le cercle de l’intimité des protagonistes, est invité à recevoir la confidence d’Amoretti à son ami. L’atmosphère du moment, correspondant à une pause au milieu de la journée de travail, est, de fait, calme et détendue.

Le découpage se limite à deux plans fixes chez Marcel Pagnol, huit chez Daniel Auteuil. Un léger travelling latéral (de droite à gauche), léger, très lent et enveloppant, accompagne la confession d’Amoretti chez Daniel Auteuil, comme pour accentuer la douce beauté de la scène et souligner l’expression des sentiments d’un père pour sa fille durant cet instant privilégié, sorte de parenthèse hors du temps. Chez Marcel Pagnol, la caméra adopte un point de vue frontal, plus «objectif», et filme les acteurs de face, dans le même plan, comme sur une scène de théâtre. Daniel Auteuil adopte, quant à lui, la forme classique (mais parfaitement cinématographique) du champ-contrechamp correspondant alternativement à une sorte de regard subjectif des personnages.

Ici, aucune action. Tout se déroule au niveau du texte. Outre la grande amitié qui lie Amoretti à son ouvrier et ami Félipe, cet extrait est révélateur d’un certain nombre de thèmes liés à l’histoire de Patricia et de son père.

Les filles sont aux yeux d’Amoretti, qui est viscéralement attaché aux traditions, des êtres sans nom, donc sans identité. Le patronyme que le père leur fournit durant leur jeunesse n’est jamais qu’un prête-nom destiné à devenir caduc le jour où elles épousent un mari qui, en échange de la dot, leur offre leur nom de famille, une identité, des valeurs. Pour lui, il semble impossible que le nom puisse se transmettre autrement que par celui qui a la «quiquette».

Après l’épisode parisien, Patricia est de retour dans sa vraie famille. On comprend que la différence de culture a d’abord fait obstacle aux retrouvailles avec son père. Or, c’est en se substituant à la mère morte qu’elle aura trouvé sa place et fait le bonheur de celui-ci.

Le réalisateur Daniel Auteuil marche ici dans les traces de son aîné Pagnol. Texte et mise en scène sont repris à l’identique et la scène exprime les mêmes sentiments et émotions.

Ressource:

Extrait 1 Pagnol 

 

3 – La rencontre chez les Mazel

Trois grandes différences séparent ces deux extraits : la durée (donc le texte), le filmage et la mise en scène. Long de 5 minutes chez Marcel Pagnol, l’extrait ne dure qu’1 minute 37 chez Daniel Auteuil. Évidemment, les dialogues ont été tronqués. Daniel Auteuil a préféré s’en tenir à l’essentiel et concentrer la scène autour de l’affrontement entre Madame Mazel et Amoretti, et retenir également la réplique d’André Mazel sur la prétendue inconstance des filles.

Les échanges sont donc plus vifs chez Daniel Auteuil, qui pointe la suffisance toute bourgeoise de Madame Mazel (déjà présente chez Marcel Pagnol) et son emportement colérique de tragédienne (beaucoup plus froid et intérieur dans l’opus de 1940). On observera à ce propos le mouvement panoramique de caméra destiné à souligner le déplacement énergique sinon agressif de la femme à travers son salon (caméra toujours statique chez Marcel Pagnol).

Daniel Auteuil cadre les acteurs de très près. Les visages et leurs expressions sont ainsi privilégiés pour participer à l’intensité émotionnelle de la dispute. Le jeu de Sabine Azéma (Madame Mazel), plus agité que celui de Line Noro (l’actrice de Marcel Pagnol), est aussi plus bruyant. Au comble de la colère, celle-ci menace, crie, hurle, s’emporte avec véhémence. Plus mouvementée, la mise en scène de Daniel Auteuil est donc plus «spectaculaire» que celle de Marcel Pagnol. De plus, cette scène de querelle tire avantageusement profit de la diversité des angles et de la multiplicité de petits mouvements d’appareil chez Daniel Auteuil. On notera encore le rapide travelling avant (à effet dramatisant) quand Madame Mazel / Sabine Azéma menace d’appeler les gendarmes.

Si l’enjeu de la dispute repose en grande partie sur les Mazel et leur capacité à admettre ce qu’ils nient sans même réfléchir, sans accorder quelque crédibilité au récit d’Amoretti, il est aussi fondé sur la question de l’honneur bafoué de Patricia. Toutefois, on remarquera que le réalisateur Daniel Auteuil n’accorde guère de place au personnage lui-même. Il choisit même de reléguer Patricia à un discret silence mortifié. Celle-ci n’a droit qu’à une seule réplique alors que chez Marcel Pagnol elle occupe l’espace de la mise en scène d’une digne présence qui l’honore. Elle sait chez le cinéaste marseillais prendre la parole et défendre honnêtement son cas. Chez Daniel Auteuil, c’est le père qui s’en charge de bout en bout, prêtant ainsi à la scène une intense gravité qu’elle n’a pas tout à fait chez Marcel Pagnol. Avec sa voix grave et ses inflexions de voix presque étranglée, Daniel Auteuil incarne un Amoretti plus en colère et plus impatient que celui joué par Raimu, qui est plus bonhomme, plus décontracté ou philosophe, peut-être davantage conscient de sa force, de son bon droit et de son autorité naturelle.

En diminuant l’importance de Patricia, Daniel Auteuil résout par ailleurs un double problème lié au personnage (en plus de gagner du temps et de retendre le rythme et l’intensité de la scène). Il évite d’une part le pathos mélodramatique de l’explication éplorée de la fille dupée et d’autre part l’anachronisme de la fille qui défend sa cause avec un peu trop d’effronterie par rapport au contexte spatio-temporel (la campagne en 1940) du film originel que Daniel Auteuil a cherché à dépoussiérer mais qu’il s’est appliqué à ne pas trahir pour autant.


Ressource:

Extrait 2 Pagnol

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